lundi 26 janvier 2009

Insulter en japonais (part.1)

Oui, je sais, tu te demandes si ce genre de cours a bien sa place dans une méthode de japonais.

Mes arguments sont :
- tu iras te plaindre chez Clarence qui m' a demandé comment on disait "sale enculé de ta race" en japonais.
- de toute façon, si tu t'intéresses un minimum au Japon, tu dois déjà connaître les insultes de base (disponibles dans tout shônen manga digne de ce nom et dans l'anime qui en découle, ou dans n'importe quel film de Kitano).
- est-ce que ce genre de cours ne représente pas justement la qualité de ma méthode, dans la mesure ou tu ne trouveras jamais ça dans un autre manuel ? (nous ne parlons pas ici des ouvrages spécialisés dans la langue argotique japonaise.)

A) やろう

1) construction.

L'insulte de base en japonais, c'est yarô, parfois écrit en kanji (野郎).

Les rapports japonais étant généralement très courtois, le simple usage de yarô est déjà très fort.
On l'entend néanmoins dans la bouche de certains entraîneurs sportifs (この野郎!), même vis-à-vis de gamins (8-12 ans), les entraîneurs sportifs ont ce style Robert Patrick. Comme quoi tu vois, c'est pas incompatible avec la pédagogie.

a) l'ajout d'un préfixe.

Là, c'est assez sympa, car le japonais est une langue très fleurie, donc tu peux te servir dans un répertoire déjà lexicalisé, ou bien composer ton yarô comme bon te semble.

Les classiques :
- バカヤロウ= foutu connard
- クソヤロウ= enculé, foutu merdeux
- ハゲヤロウ= foutu chauve (ça te paraît pas très fort, mais au Japon c'est un peu comme si ta meuf disait devant tout le monde que t'es un mauvais coup, c'est ta virilité qu'on attaque.)

Tu comprendras que je n'ajoute pas quelques suggestions personnelles...

b) l'ajout d'un suffixe.

Le suffixe que l'on ajoute après une insulte (ou même un substantif normal, mais qui ajoute alors un côté péjoratif), c'est め. Tu pourrais le traduire par "espèce de" dans le cadre du dialogue direct (=insulte), ou "putain de" dans le cadre du dialogue indirect (= réflexion à soi-même ou commentaire). Ces traductions ne sont que des indications, bien entendu.
Si on peut le trouver après バカ⇒バカメ, on le rencontre assez peu après yarô, je le donne donc juste pour que tu sois pas surpris.

B) たれ

1) construction.

Contrairement à yarô, tare ne peut s'utiliser tout seul (*このたれ!) et agit plutôt comme un suffixe.
Ça vient de 垂れる (je te laisse avec Rikaichan pour tous les verbes correspondants), et ça indique que quelque chose goutte ou pend.
Exemple :
ハナタレ小僧 = morveux ("gamin qui a le nez qui coule")
クソタレ= merdeux ("qui a la merde au cul". Tu reliras "La Guerre des Boutons")
etc.

Pareil, je te fais grâce de ma contribution à la langue japonaise...

Tu peux associer め bien plus facilement à たれ qu'à やろう, donc te prive pas.

3) emploi.

Mon conseil de Robert Patrick : ne les emploie pas. Surtout pas avec des gens que tu ne connais pas, genre on te bouscule dans le métro ou quoi.

Oui oui, je sais, maintenant que je te les ai appris, ça te brûle les lèvres, tu crèves d'envie d'aller insulter le premier Japonais qui va te répondre en anglais alors que t'as fait une phrase parfaite en keigo, très bien très bien....
Juste un petit rappel :
- Tu ne sais pas à qui tu t'adresses, le gars peut être un gangster local (ou le fils de) ou rompu aux arts martiaux et il va t'allonger (au mieux) ou te casser quelque chose (au pire).
Je me souviens d'une soirée où il y avait un Japonais un peu costaud, très sympa, gentil et tout. J'ai appris après son départ que le gars avait un gang au Japon. A Paris il était street dancer, mais il s'était fait emmerder par un gars et lui avait brisé les 2 genoux direct (boxe thai).
Je te rappelle que le Japon c'est le pays des mecs qui font du sport comme s'ils préparaient les jeux olympiques dès le collège (ouais, les meufs aussi, c'est pour ça qu'elles sont plates), donc même le salaryman de base peut avoir 15 ans de karate derrière lui (et au Japon, le karate de base, c'est du kyokushinkai, hein, plein ta gueule pour pas un rond).
- T'as pas forcément envie de finir au poste de police et d'être interdit de séjour pendant 10 ou 20 ans.

Par ailleurs, il y a un tas d'autres façons en japonais de pratiquer l'agression verbale sans recourir aux insultes directes. Par exemple avec du japonais argotique ou très familier, une phrase qui commencerait par こら!, les "r" roulés, l'intonation... Les insultes, ça devient limite caricatural.

Donc sois un gentil gaijin (oui, même toi, Clarence) et ne cherche pas à faire ton malin. Apprécie les insultes dans les manga et les anime, mais rappelle-toi que la vie n'est PAS un manga ou un anime.

Et puis le gars qui a 200 mots de vocabulaire en japonais dont 10% d'insultes, excuse-moi, hein, mais c'est pas la grande classe. Je veux bien combattre la médiocrité, mais faut que tu mettes un peu du tien aussi...

12 commentaires:

Vincent a dit…

Merci pour cette lecon mais tu seras bien d'accord avec moi pour dire que la langue japonaise n'est pas une langue d'injures.
Que meme un blabla-YAROU ne remplacera pas un Enfoire de *****.
Le ハゲヤロウ est loin d'etre fort a mon avis, ca fait souvent rire les gens en disant.
Attention aussi avec le クソタレ, car ca se dit phonetiquement クッソータレ.
Y a une maniere de le dire en fait.

Moi perso, j'aime bien Putain de 野郎 ! mot invente de toute piece mais que meme les japonais comprennent que ce n'est pas tres gentil.
Et puis, faut pas oublier d'etre tres expressif au niveau du visage quand on insulte, ca change beaucoup de choses.

Anonyme a dit…

Autant les japonais ont l'air trop gentils, pacifiques et impassibles, doux comme des agneaux (j'ai jamais dit ça clairement ici, mais on me reproche de sembler le penser), autant quand ils s'énervent je les trouve carrément flippants et impressionnants, dans le langage et l'attitude, les mouvements, l'intensité, pis ces fameux "r" roulés, l'impression qu'il vaut vraiment mieux se barrer au plus vite... (on m'a reproché aussi de ne pas avoir suffisamment appliqué cette règle, ce qui m'a valu déjà 2 coups perdus en 1 an et demi)

Robert Patrick a dit…

@Vincent: je suis assez d'accord avec toi, je pense que cela tient au caractère japonais : dans un pays où l'injure est un sport national, c'est normal d'en avoir pleins, tandis que dans un pays où tout le monde reste poli, forcément...
En revanche, le bakayarô, ça fait marrer quand c'est une imitation de Kitano qui a abusé du mot dans ses émissions et dans ses films. Quand c'est ton boss qui le dit, ça fait vâchement moins marrer...
Pour les expressions du visage, je te renvoie à mon post sur les méchants, les yeux de la demoiselle expriment ça assez bien...

@Judith: yep, l'intonation a beaucoup plus d'importance en japonais que les mots eux-mêmes. Et pas que pour les insultes, bien entendu...
Sinon j'attends tes anecdotes sur les bastons au Japon, puisque visiblement tu en as ;-)

Anonyme a dit…

J'aime bien le "foutu chauve" !

Mais j'avoue, je ne pense pas me servir beaucoup de ces mots. Outre les raisons que tu donnes, il y a aussi le fait que je préfère insulter dans une langue que je maitrise complètement. Là, même avec tes commentaires, j'aurais du mal à sentir ce que je dis. En plus, avec l'anglais (je me lasserais jamais de "Douchebag", "You douche", et "Double douche !") et le français, j'ai déjà un bon répertoire.

Et puis, je cherche pas spécialement le conflit avec les Japonais /o/

Anonyme a dit…

Le bakayarô est aussi célèbre pour avoir été employé à la Diète, en 1953, par le premier ministre Yoshida à l'encontre d'un député de l'opposition un peu trop casse-kintamas... Disons que c'était une marque d'affection et d'estime réciproques (comme "enfoiré" en français post-coluchien ?)

Anonyme a dit…

Nan ! Moi chui pas d'accord avec foutu chauve, parce que JUSTEMENT, je suis chauve et j'ai TROP d'hormones mâles !! Et la libido qui va avec ! Alors l'attaque contre la virilité... !!! Donc le premier jap' qui me traite de hageyarou, je le scalpe, comme ça il verra ce que ça fait !!!
En tout cas, très intéressant, ton article, RP .. !

Anonyme a dit…

Superbe article comme d'habitude, mais si je puis me permettre, on n'a pas le fameux "enculé de ta race" (avec notions de soumission et d'étranger)

Robert Patrick a dit…

@Anonyme : je crois qu'il faut faire attention à la notion de "race", car dans le cas de l'insulte, elle ne signifie pas tant une appartenance ethnique que l'appartenance à un clan (la race des cons, par exemple), que l'on retrouve également dans l'expression "toi et ceux de ta race". Il s'agit donc d'un problème à traiter au cas par cas, avec des locutions comme ごとき、の分際で、のくせに, etc.
On peut trouver énormément de cas de figure devant ces expressions, je les traiterai donc dans le prochain chapitre, il ne vous restera plus qu'à trouver les substantifs adéquats.

Anonyme a dit…

mouai, j'hésite à raconter ces anecdotes, vu que ça concerne des gens proches, et que c'est pas très glorieux, encore moins sorti du contexte (y a que moi qui ai été choquée dans les 2 cas, je me suis sentie un peu seule sur le coup..)
sinon, tu penses vraiment que l'insulte "chauve" a vraiment le sens de "chauve", je veux dire est-ce que ce serait pas une insulte comme ça qui aurait perdu tout son sens?
on en a pleins des mots d'argot ou d'insulte en français qui n'ont plus rien avoir avec leur sens premier (pas d'exemple sous la main donc ça tombe un peu à plat mais bon...), ha si, si on traite quelqu'un de pigeon, de pédé ou d'enculé, rien à voir ni avec l'animal, ni avec l'orientation sexuelle ni avec les pratiques sexuelles, ni avec ce qu'on en pense personnellement, ni avec des choses considérées comme des tares..
ou alors c'est moi qui suis trop naïve...

Robert Patrick a dit…

@Judith : holà, je te force pas, c'est juste que tu mets l'eau à la bouche, des histoires de baston au Japon ça court pas les blogs...
Sinon pour nos insultes en français, j'ai bien peur qu'elles n'aient conservé leur sens premier : toutes les insultes liées à l'homosexualité font soit référence à l'homosexualité passive associée à un manque de virilité ("pédé" = pas à la hauteur d'un homme), soit à la perversion ("enculé/enfoiré").
Et pour "chauve" en japonais, ben t'avais déjà donné la réponse sur ton blog, donc là-dessus on est assez d'accord, c'est une attaque direct à la virilité, puisque la pédérastie et la pédophilie n'ont pas le même statut au Japon (=on peut très bien se taper des gosses et être viril, c'est ce que faisaient les mecs jusqu'à l'époque d'Edo et ça choquait personne. Voir à ce sujet l'histoire du kabuki, le pourquoi de son évolution et le pourquoi de sa remise au goût du jour...). C'est Nicolas Bouvier qui raconte ça dans ses "Chroniques Japonaises" : quand François-Xavier allait voir les daimyôs pour essayer de les convertir à la religion catholique, il leur expliquait ce qui était autorisé et interdit et quand on abordait la sexualité, les gars lui disaient "quoi, dans ta religion la sodomie c'est mal ? Désolé, vieux, on n'est pas intéressés", et François-Xavier repartait à chaque fois en pensant que les gens de ce pays étaient complètement dégénérés, AHAHAHAH ! :-D (mes excuses à Nicolas Bouvier si j'ai légèrement déformé son propos, de toute façon vous devez lire "Chroniques Japonaises", c'est vraiment un très bon livre)

Alex a dit…

Ahh, j'attendais un article de la sorte.
Mais je dois avouer être un poil déçu ^^
Je m'attendais à voir plus de grammaire, genre un る final qui disparaît au profit d'un magnifique ん suivi du non moins classe じゃねぇ!
Mais je suis sur que ce n'est que partie remise.
Tôt ni cas cul(LOL), y'a qu'ici qu'on à ce genre de cours, donc c'est du roxage bloguifiant intrisèque et voilà

Anonyme a dit…

Ah bravo ! Je comprend que ton site soit passé "mature" comme y disent :D
Un peu déçu, je pensais voir quelques fesses d'adolescente pré-pubère japonaises...

Je→

 
Creative Commons License
Cette création est mise à disposition sous un contrat Creative Commons.